Judo : Entretien avec Dimitri Dragin

Publié le par thierry

Dimitri Dragin est un judoka évoluant dans la catégorie des - de 60 kilos. Originaire de Guadeloupe, le natif du Havre, évolue en équipe de France.

Le judoka, pensionnaire du club val-de-marnais de la JC Maisons Alfort de retour de ses premiers Jeux Olympiques, a décroché une médaille de bronze aux Championnat de France de judo.

Tes impressions après cette médaille de bronze aux Championnats de France ?
Dimitri Dragin :
Forcément que cette troisième place aux Championnats de France me déçois. Perdre en quart de finale sur une action donnée ippon à l’adversaire, me fait enrager. J’ai les boules de perdre sur une erreur d’arbitrage. Heureusement la motivation était là et j’ai pu décrocher un podium et la médaille de bronze. J’avais un rang à tenir en tant que titulaire en équipe de France.

Quel est ton prochain objectif ?
Dimitri Dragin :
Mon grand objectif est de décrocher une sélection en équipe de France afin d’aller au Championnat d’Europe. Il va me falloir briller dans les tournois internationaux en réalisant de très bonnes performances. Le chemin d’une qualification passe par là. Mes objectifs sont clairs, d’abord le Championnat d’Europe, en avril, puis, en août/septembre, les Championnats du monde.

Quel va être ton programme d’entraînement dans les jours qui suivent ?
Dimitri Dragin :
Là, ça va être des rappels sur des petits gestes comme travailler davantage sur la garde et améliorer la technique et la tactique. Le matin, je fais de la préparation physique, notamment du renforcement musculaire, et, le soir, du randori [combat].

A quoi songez-vous quand vous rentrez sur un tatami ?
Dimitri Dragin :
Avant de rentrer sur le tatami, je suis complètement plongé dans ma musique. Généralement, j’écoute de la dancehall, Admiral T par exemple, ou bien du rap français. Ce week-end, c’était le rappeur Médine, qui est également du même quartier du Havre que moi, et sa mix-tape « Don’t Panik », que j’écoutais. C’est important de faire le vide autour de moi avant de pénétrer de plain-pied dans la compétition.

Quelles sont tes qualités et tes défauts ?
Dimitri Dragin :
Je suis un combattant explosif. Je suis rapide dans mes attaques. Je peux attraper à n’importe quel moment mon adversaire. Les défauts, on évite de trop les étaler sur la place publique (rires). Plus sérieusement, il me faut insister sur la gestion du combat. J’ai balancé constamment pour rechercher l’ippon. Par le passé, il m’est arrivé de perdre des matchs parce que je voulais absolument la victoire à tout prix. Je voulais gagner avec panache. Désormais, j’essaie de construire les victoires, même si j’aime toujours autant les mouvements parfaits.

Comment en vous-tu arrivé là ?
Dimitri Dragin :
C’est un choix de mes parents. J’étais assez agité et ils voulaient absolument me trouver un endroit susceptible de me canaliser en partie. C’est ainsi que j’ai commencé le bébé-judo à quatre ans. J’ai aussitôt intégré le club de quartier Paul-Eluard du Havre. Là, j’y ai effectué toutes mes classes. Mon professeur d’origine, celui qui m’a appris le judo et qui me donne toujours de bons conseils, s’appelle Serge Paris. Beaucoup d’autres techniciens suivront et m’apporteront dans ma formation et mon évolution. Depuis quatre ans, je suis licencié au club francilien de Maisons Alfort. Autrement, je suis un pur produit du circuit fédéral, du fait d’être passé durant un an au Pôle Espoir de Rouen et deux saisons au Pôle France d’Orléans. Je suis également à l’INSEP.

Avez-vous voulu un jour changer de discipline ?
Dimitri Dragin :
A 12 ans, je voulais changer de sport. Au quartier, je jouais avec les copains au football. Je faisais du handball à l’école et je souhaitais m’inscrire en club. Mes parents m’ont défendu de laisser tomber le judo pour une autre discipline. Il est alors difficile de discuter et de s’opposer à l’avis de ses parents. Quand ils ont dit non. Cela ne voulait pas dire autre chose ! Je les ai donc écoutés. Vers 18/19 ans, je suis rentré à l’INSEP. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à prendre conscience que le judo devenait quelque chose de sérieux pour moi. J’avais bien eu quelques sélections avec l’équipe de France dans d’autres catégories d’âge, mais à aucun moment je pensais devoir aller aussi haut. Etant davantage multisports et m’intéressant à d’autres choses dans la vie, je ne me projetais pas vers le futur et moins encore dans le professionnalisme. Ce que je voulais c’était de faire du sport tous les jours. Quand on se retrouve à l’INSEP, on touche du doigt le haut niveau. C’est tellement intense. On côtoie des champions, on est au summum de la pyramide et on se dit à ce moment-là que tout est possible. Pourquoi pas nous.

Alors c’est comment le haut niveau ?
Dimitri Dragin :
Le haut niveau, ce n’est pas différent de ce qui se fait en amateur. La différence se joue sur un plan organisationnel, mais dans la compétition, elle s’effectue aussi dans la manière d’aborder un match. Et là, l’aspect psychologique est très important. Dans une compétition le côté mental est déterminant aussi bien dans une victoire qu’une défaite. Dans un championnat du monde ou encore des JO, on se rend compte qu’une opposition trop bien préparée dans la tête peut mal finir. Si tu te projette aussi loin sur la manière dont le match va se dérouler, tu peux être complètement déstabilisé et perturbé par le changement de tactique de ton adversaire change. Il ne faut jamais jouer un match avant de l’avoir disputé. Le haut niveau, c’est des compétiteurs, très au point sur le plan technico-tactique, une concentration au-dessus de la moyenne et un instinct de tueur.

Pensiez-vous faire du judo votre métier et une aussi belle carrière ?
Dimitri Dragin :
Je n’ai pas une vraie culture de l’histoire du judo. Je ne suis pas une référence. Très honnêtement, je ne m’intéressais même pas vraiment aux membres de l’équipe de France de judo. Je n’ai jamais eu de modèles. Maintenant, des champions comme le Japonais Koga et le Coréen Geon peuvent m’inspirer. Leur parcours et leurs palmarès sont tels que personne ne peut ignorer leurs talents.

Que pensez-vous de Teddy Riner ?
Dimitri Dragin : Teddy, c’est Teddy.... C’est un ami. Il est impressionnant et sa marge de progression est énorme. En termes de parcours, de palmarès et aujourd’hui d’expérience, il est assez énorme. Pourtant, il n’a pas 20 ans ! Il est là à toujours rigoler, c’est d’ailleurs très important pour nous judoka, mais ses adversaires savent tous désormais que Teddy n’est pas un clown. C’est un bosseur. Il n’est qu’au commencement de son histoire. Vu son fort potentiel, on peut aisément imaginer qu’il va faire de plus en plus mal.

Comment un judoka comme vous gère ses matchs face à de grands adversaires ?
Dimitri Dragin :
La taille n’est pas un problème en soi. En - de 60 kilos, il existe des grands. Pas grave, je suis costaud. Je ne me dis pas : « Mince ! Qu’est-ce qu’il est grand. Mais plutôt, lui, il faut que je le déboite (sic) par un bon ippon ». Le sport consiste constamment à relever des défis. Si le grand à l’avantage de l’allonge, moi j’ai celle de la vivacité et je me débrouille toujours pour passer en dessous. Chacun ses feintes. J’adore le judo en partie pour ça.

Quel bilan tirez-vous de vos premiers Jeux Olympiques (Pékin 2008) ?
Dimitri Dragin :
Je ne me rendais pas compte de ce que pouvais représenter les Jeux Olympiques. Il faut les vivre pour le comprendre. Une fois de retour en France, j’ai pu observer l’impact que cela pouvait avoir autour de moi ou encore autour de ma famille. Je garde notamment en souvenir, l’ambiance du village olympique. C’était énorme. Tout était magnifique. Les organisateurs avaient fait en sorte de mettre les athlètes dans les meilleures conditions possibles. C’était un village sportif à l’intérieur d’une grande ville. Ce n’était pas la première fois que je mettais les pieds en Asie. J’y avais déjà effectué d’autres passages dans le cadre de la compétition. Concernant la Chine, je n’ai pas été plus impressionnée que ça.

Pourquoi aimez-vous tellement le judo ?
Dimitri Dragin :
Je l’aime pour le mouvement ou encore pour les ippons. On utilise tout le corps pour parvenir à ses fins. Le judo, ce n’est pas seulement du physique, c’est aussi de la stratégie et du mental. On n’a pas besoin d’utiliser forcément sa force physique. C’est une autre force, beaucoup plus pure et plus fluide, que le judoka utilise pour remporter ses combats. On use d’une technique en mouvement pour attraper les saisies et faire la différence.

Poursuivez-vous l’école ?
Dimitri Dragin :
Lors de l’année olympique, en 2008, j’étais encore en formation de management du sport. J’ai signé, par la suite, une convention sportive avec le département du Val-de-Marne (94). C’est-à-dire qu’il m’attribue un salaire et de mon côté je m’entraîne à 100 % au judo.

Vous êtes natif du Havre. Que représente pour vous cette ville normande ?
Dimitri Dragin : Pour dire la vérité, je ne peux pas me passer de cette ville. Tous les week-ends, je rentre à la maison. C’est à 1 heure, une heure 30 de Paris. La capitale est évidemment une très belle ville, où je me suis bien adapté. Mais à mon niveau, je vois encore Paris comme un touriste qui débarque et non comme un habitant. Le Havre est une ville portuaire qui a son charme et qui me parle davantage. Certes, ce n’est pas Paris, mais mon cœur est là-bas. Je vais m’y ressourcer, retrouver mes parents, mes deux grands frères et mes amis. Je viens du quartier de Bleville à la base, après j’ai déménagé à la Main Rouge. Ce sont des quartiers cosmopolites. Le Havre, c’est l’une de mes bases. Quand, j’ai besoin de souffler, c’est là que je me rends.

Quelles sont vos autres bases ?
Dimitri Dragin :
Les Antilles ! C’est les racines. Ma culture. Dans tout ce que je fais, il y a toujours quelque chose de mes racines. Après mon retour des JO, je suis allé en Guadeloupe, aux Abymes, au Gosier, à Saint-Martin et à Marie-Galante. J’ai de la famille partout dans l’archipel guadeloupéen. Mais les deux endroits où ma famille est installée sont Gosier et Marie-Galante. Concernant le continent africain, je dirai que c’est la racine de mes racines. J’aimerais bien m’y rendre un jour là-bas. Je n’ai pas choisi de destination. Le Sénégal ne serait pas trop mal, c’est là où se trouve l’île de Gorée, un symbole, car lieu de départ de nombreux africains mis en esclavage pour les Amériques et l’Europe. L’Afrique m’accompagne partout. Autant j’écoute de la musique des Caraïbes (zouk, compas, dancehall) autant j’écoute du soukouss ou du ndombolo.

Parvenez-vous à suivre l’actualité du monde en parallèle de la compétition ?
Dimitri Dragin :
J’essaie. Ce qui m’a marqué le plus ces derniers jours... Ce sont les bombardements sur Gaza. Ces images d’enfants en souffrance, de mères en larmes, de familles foudroyées m’ont énormément touché. Un tel désarroi ne peut qu’émouvoir. Je ne comprends pas toute cette haine de par et d’autres. Est-ce la meilleure solution pour régler le conflit israélo-palestinien ? Maintenant, les manifestants de chaque camp devraient éviter les provocations. Cela ne sert aucune cause. Au cours d’une de ces manifestations de soutiens sur Paris, le scooter d’un ami, garé autour d’une place, a été complètement détruit, gratuitement. La bêtise m’insupporte. Sinon, l’autre grand fait d’actualité reste l’investissement de Barack Obama comme président des Etats-Unis d’Amérique. Son arrivée au pouvoir est une nouveauté non seulement pour l’Amérique mais pour le monde entier. Il représente un espoir. Voir un président afro-américain à la tête de la plus grande puissance de la planète est le commencement d’une nouvelle ère pour les minorités. Elles se disent désormais que tout est possible et réalisable. L’attente reste néanmoins énorme et la charge de travail importante pour un seul homme.

Que souhaitez-vous comme vœux pour l’année 2009 aux Internautes ?
Dimitri Dragin :
La santé avant tout, car il n’y a pas plus important pour entreprendre quoique ce soit. Je leur dis d’essayer d’aller toujours au bout d’eux-mêmes. Je leur souhaite de ne jamais baisser les bras et de la réussite. Me concernant, j’espère être en bonne santé, car c’est la base de toute chose. Je me souhaite aussi beaucoup de réussite.

 

 

Mais moi, je vous le répète : regardez loin pour aller haut, mais ne vous prenez pas les pieds dans le tapis... Thierry


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